Le principe d'Unpacking est simple. Le jeu des australiens de Witch Beam nous invite à plusieurs reprises à vider des cartons pour remplir un logement dont nous prenons possession. Un jeu d'emménagement et d'aménagement, en somme. Ranger, décorer, selon l'espace alloué, variable. On fait du Tetris avec ses affaires. L'idée a quelque chose d'amusant. D'autant qu'elle ne requiert, contrairement à la réalité, aucun effort. Juste un curseur à bouger et quelques clics.

Partant de là, on pourrait s'attendre à un challenge nécessitant observation et rapidité. Peut-être même du scoring et des combos signalés par des émanations flashy prenant la moitié de l'écran. Voire un éditeur de niveaux que des esprits vicieux manipuleraient pour mettre à mal la Marie Kondo qui sommeille, parfois très profondément, en nous. Et pourquoi pas un jury pour déterminer si l'on est quelqu'un d'ordonné ou non ? Oubliez tout cela. Les huit déballages à vivre ont un autre objectif. Certainement pas celui de vous stresser ou vous mettre sous pression.

Unpacking 1997
La première pièce, qui en dit déjà beaucoup...

Ca cartonne

Tout commence en 1997, dans une petite chambre. Un lit en mezzanine avec bureau intégré, une commode et trois cartons à vider. Vue isométrique, manipulations façon point and click. Rien de compliqué en perspective. On ouvre. Sortent pêle-mêle un Tamagotchi, des figurines, une tirelire, des livres, un sac à dos, des jeux de société, un journal intime, une Game Boy, un bus londonien ou encore tout un attirail de coloriage. C'est notre univers, le marqueur de nos centres d'intérêts. Nous devinons sans peine certaines caractéristiques et passions du personnage que nous "incarnons". Invisible et muet. Ou presque.

Un cliché du "niveau" terminé permet d'obtenir une remarque, un indice. C'est aussi la preuve qu'il y a plus qu'une simple suite de casse-tête. Plus aussi que des petits autocollants à débloquer en trouvant certaines interactions secondaires. Bon, il y a toujours un aspect ludique et des règles qui pourront faire soupirer - on croit avoir bouclé, mais quelques bidules vont à un endroit et pas ailleurs, et n'imaginez pas en mettre à la verticale, le placement est cadré, tant pis pour la fantaisie. Reste que si l'on déballe et remplit meubles et étagères encore et encore pendant environ 3 heures, c'est pour être le témoin d'une vie.

Unpacking 2010
Pas le droit d'être bordélique. Traz apprécie ceci.

Emotion in Motion

Les années passent, les logements changent. La petite chambre laisse place à quelque chose de plus vaste, plus équipé, plus âgé. Ou même déjà occupé. Les cartons se multiplient, s'éparpillent dans toutes les pièces et regorgent de plus de trésors. Et les objets que l'on pioche, comme ceux que l'on ne trouve plus, nous parlent. Tous joliment représentés et lisibles grâce à un travail de Pixel Art fabuleux, ils nous permettent de déduire l'âge de notre avatar, sa situation, ses aspirations, de savoir si ses rêves se réalisent. Une brosse à dents pour un seul pot, une photo, des magnets, des carnets à spirales, des souvenirs de différentes villes, des couvertures de livres très claires, une trousse de maquillage, des bottes, des diplômes... En situation, on comprend facilement.

Et il est possible de s'émouvoir en tombant sur l'un d'eux - d'autant qu'on ne connaît jamais par avance le tirage. Ou sur un mur lézardé. L'existence racontée à chaque nouveau lieu et chaque chose est faite d'espoirs, d'amours, de réussites, de défis, d'échecs, de renoncement, de renouveau. Et elle pourra résonner en chaque joueur et chaque joueuse dans l'âge adulte. C'est la force d'Unpacking : il parvient à nous conter une histoire capable de nous émouvoir avec très peu. En nous suggérant de songer à notre chemin personnel.

Comme si nous fouillions dans notre propre mémoire. Ne soyez pas étonnés qu'il remue certains souvenirs et que les musiques composées par Jeff van Dyck, si subtilement en accord avec les périodes traversées, en rajoutent une couche. Vous pouvez compter sur d'autres détails, comme une météo filtrant parfois à travers les fenêtres, pour jouer sur votre humeur. Qui sera tout naturellement joyeuse une fois les crédits déroulés.